Vers une vraie stratégie nucléaire européenne
Christophe GRUDLER, Président du Groupe de réflexion sur l’énergie nucléaire au Parlement européen, se félicite de la publication d’un nouveau Programme indicatif nucléaire (PINC), qu'il avait appelé de ses vœux.
Ce document, attendu depuis 2016, constitue une avancée majeure que le Groupe de réflexion sur le nucléaire avait explicitement demandée.
« Cette publication est une victoire politique pour notre groupe politique, qui n’a cessé de réclamer un document actualisé, structurant et orienté vers l’avenir du nucléaire en Europe », déclare Christophe Grudler.
Alors que le précédent PINC était centré sur les seuls enjeux de sûreté post-Fukushima et gestion des déchets, le projet présenté aujourd’hui reflète une prise de conscience du rôle stratégique de l’énergie nucléaire dans l’atteinte des objectifs climatiques et industriels de l’Union.
Un texte à enrichir
Le projet de PINC offre enfin un point d’appui, mais plusieurs aspects doivent être précisés et améliorés.
· Capacité installée : la Commission propose trois trajectoires pour 2050 : 70 GW, 109 GW et 144 GW. Le scénario haut – 144 GW – reflète pour la première fois l’addition des objectifs annoncés par les États membres dans leurs plans nationaux énergie-climat ; c’est un signal encourageant pour toute la filière. En revanche, les scénarios bas et dit « de référence » (109 GW) restent déconnectés de la réalité industrielle : leur maintien brouille la lisibilité de la politique européenne.
· Financement : Les besoins d’investissement chiffrés dans le texte reposent justement sur ce scénario de 109 GW, sans analyse économique détaillée. Cette incohérence affaiblit la crédibilité du signal envoyé aux investisseurs et aux industriels.
· Le texte semble sous-estimer le rôle des grands réacteurs, au profit d’une part jugée surévaluée de petits réacteurs modulaires (SMR), dont la maturité industrielle reste à consolider.
« Le rôle de la Commission est d’abord d’aider les États membres à atteindre leurs objectifs climatiques. Pour 2050, il suffit d’additionner les puissances annoncées pour obtenir au minimum 144 GW de nucléaire. C’est l’unique scénario crédible ; imaginer des sous‑scénarios à 70 GW ou 109 GW n’a aucun sens. Cela compromet nos objectifs climatiques et fragilise notre stratégie industrielle : voulons-nous véritablement atteindre la neutralité carbone en 2050 ? », interpelle Christophe Grudler.
En revanche, le député salue l’effort d’inclure l’ensemble de l’écosystème nucléaire, avec des références à la chaîne de valeur, au cycle du combustible, aux usages au-delà de l’électricité (chaleur industrielle, santé), aux compétences et même à la fusion nucléaire.
Une stratégie industrielle européenne à affirmer
Christophe Grudler appelle la Commission à assumer pleinement une préférence européenne en matière de nucléaire civil, comme le permet le traité Euratom, conçu pour bâtir une base industrielle nucléaire forte sur le continent. Cette logique de souveraineté doit aussi guider l’action de l’Alliance européenne pour les SMR et le futur PIIEC, qui ne saurait devenir un instrument de promotion de technologies non-européennes.
« Il serait irresponsable de projeter une montée en puissance du nucléaire à 144 GW d’ici 2050 tout en misant sur des technologies importées. Le traité Euratom a été signé pour construire et valoriser une filière européenne. L’Alliance SMR ne peut pas devenir le cheval de Troie de projets extra-européens pour lesquels nous ouvrons grand notre marché. Nous devons adopter une vision de long terme et faire le choix de notre souveraineté technologique, c’est une question de bon sens », alerte Christophe Grudler.
Une initiative parlementaire à venir
Bien que le Parlement européen ne soit pas officiellement saisi dans la procédure de consultation du PINC – relevant du traité Euratom – Christophe Grudler invite le Parlement européen à se saisir du texte. Le Comité économique et social européen (CESE) est quant à lui consulté, ce qui ouvrira la voie à la publication définitive du PINC d’ici fin 2025.
Dans cette perspective, le député Grudler souhaite que le Parlement européen puisse faire entendre sa voix et enrichir le texte avant sa version finale : « Il est indispensable que le Parlement donne son avis sur ce PINC, afin de le bonifier. Cela pourra prendre plusieurs formes : Rapport d’initiative dédié, ou Papier de position de notre intergroupe sur le nucléaire. »
« Ce projet de PINC, bien qu’imparfait, marque un tournant. Il confirme le momentum que nous vivons sur le nucléaire en Europe. À nous maintenant de transformer cette dynamique en stratégie industrielle crédible et ambitieuse. », conclut Christophe Grudler.